Planche à repasser : le pardon à soi-même
24 mars, 2021 par
Le Compas dans l'Oeil, Patrick Lelong

(Attention aux faux plis et à la vapeur qui se dégage. Ce repassage n’engage que moi, aucune obédience. Mais qui suis-je ? Et qui êtes-vous ?)

Au nom du Père, du fils et de l’esprit simple… Traiter du pardon à soi-même en 9 minutes, même suivi d’une riche discussion n ‘est pas une mince affaire. D’autant que c’est un sujet qui m’obsède depuis des années. J’ai forcément fait quelque chose de mal puisque je suis un mâle judéo/chrétien. Je ne prendrai donc pas de gants. Un comble pour un maçon.

Il est, à priori déjà curieux de se pardonner à soi-même. Lorsque l’on dit communément pardon, c’est en direction d’un autre ou d’une autre. C ‘est l’expression d’un regret, parfois une marque de politesse. Pardon pour ces lieux communs.

Le pardon à soi -même est d’une autre nature. Il a le mérite d’éluder la question de Dieu. Car ici, il n’est pas question de demander pardon à Dieu, ce qui suppose de croire en Dieu, mais pardon, c’est du pardon à soi -même qu’il s’agit. Ce qui est très différent.

La question de Dieu se pose toujours entre ces deux extrêmes. Croire ou ne pas croire, c’est plus sensible, plus polémique que scientifique. À chacun son travail. Et ce qui reste pour moi, très curieux c’est qu’il s’agit de la question du jugement sur Dieu. Nous jugeons Dieu, en fait. Et je ne peux m’empêcher de méditer sur ces deux positions extrêmes. Si je dois rejoindre Dieu, si je crois que c’est le but de l’existence, je vais connaître plus ou moins de circonstances qui vont m’y conduire, m‘ y amener et je vais leur donner un sens.  Soit j’essaie de fuir et c’est alors la question du divertissement de Pascal. Soit, je nie et me rebelle, sachant que c’est aussi une autre forme de croyance à la manière de Nietzche quand il écrit « si Dieu existe, c’est forcément un con ».

Donc, sortons de cette impasse pour nous intéresser à ce que nous sommes.  Alors comment est-il possible de se pardonner à soi-même et se pardonner quoi ? Et pourquoi ?

Ne s’agit-il pas d’une forme de schizophrénie, d’un dédoublement de personnalité, d’une aberration morale et judiciaire où le coupable est son juge ?

Tout dépend de ce que l’on entend par le pardon à soi-même. Et pour cela, il faut tout d’abord comprendre ce que signifie  soi-même. Pour prendre une métaphore soufie, on est soi quand on cesse de se focaliser sur la carafe pour y observer l’eau et sa fluidité, sa fraicheur, sa liberté. La plupart des consciences des hommes ne sont que des carafes qui emprisonnent un peu d’eau. La conscience de la carafe est un contenant qui accueille et emprisonne un liquide. Nos consciences sont ainsi remplies de lieux communs, de fausses idées dictées par des considérations que nous n’avons souvent même pas pris le temps d’analyser ou de faire nôtre, de croyances et de culpabilité.

Il faut déjà se pardonner de penser comme un automate. C ‘est la première étape. Ce n’est pas une attitude intellectuelle. C ‘est le fait d ‘accepter de se regarder  fonctionner dans notre vie de tous les jours. D'être spectateur de notre propre film, d’en devenir metteur en scène en visionnant certaines scènes, tout en les retouchant. Le pardon, c’est ainsi « la retouche » de son propre film de vie.
Cela signifie d’être humble vis-à-vis de soi-même. Et les autres n’ont pas grand-chose à voir là-dedans. (Dieu non plus). L’appréciation des autres n’a pas à être prise en compte. L’humilité est une forme de  dépouillement seulement  pour soi-même. Je vois ce que je suis, pour devenir qui je suis et je travaille sur ce qui ne va pas chez moi.

Encore une fois, il est essentiel de laisser Dieu de côté pour travailler sur son propre pardon, sur son propre soi-même.

Bien sûr, commettre un crime, un vol, une faute regarde la société, mais là c’est autre chose. Ce n’est pas le pardon à soi-même. C‘est peut-être celui des autres. C‘est une réponse extérieure.

Une fois dans cet espace de soi, il nous faut à l’instar de ce qu’a écrit S Kierkegaard «gagner en profondeur ce que l’on perd en étendue». C‘est là le cheminement de l’âge.

À la naissance, on est (et on naît) dans l’ordre, de l’infini petit et toute proportion gardée on approche l’infiniment grand, l’âge aidant (la mort serait-elle plus grande que la vie ?). On passe de l’indifférencié à l’identité. Et puis, en mourant on revient à l’infiniment petit, on se recroqueville… poussière…


L‘idée est donc de tenter de revenir à la condition des enfants, en apprenant, mais cette fois-ci en apprenant de soi-même, de ses erreurs, de ses bonheurs, de ses angoisses qui n’ont rien à voir, vus sous cet angle avec la culpabilité qui elle, nous empêche d’apprendre.

Cesser d’être le sachant de tous les jours, le sachant, sachant chasser mais vivre l’inconfort du chaos de n’être plus dans une certitude, mais dans un mouvement, une transformation. Ne plus craindre. Pour parodier une affiche publicitaire  dans le métro, plutôt que de s’envoyer en l’air, mieux vaut s’envoyer en dedans. Laisser l’Ego (le tout à l’ego), la représentation au vestiaire, les diplômes, les attitudes, les « je ne sais quoi » et même le langage pour redécouvrir l’essentiel : la perception de soi, l’aventure de soi car c’est là que se situe la vraie vie.

Pardonner à soi-même c ‘est en quelque sorte apprendre ou réapprendre à s’aimer, c’est selon.

Et comment aimer les autres si l’on ne pratique pas le pardon à soi-même.

Patrick Lelong (pseudonyme de Patrick Lelong)

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Le Compas dans l'Oeil, Patrick Lelong 24 mars, 2021
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