Les Belles Lettres, Coll. Mémoire de Guerre, 2020, 4e tirage, 96 pages, 17 €
Plus qu'un témoignage de guerre, Espérer pour la France est le testament d'une vie entière consacrée à la France, à sa liberté, à son honneur. À travers les propos recueillis par Marc Leroy, Hubert Germain (1920-2021), le dernier Compagnons de la Libération, se raconte avec une sincérité touchante, dévoilant les valeurs qui ont guidé chacun de ses choix et les convictions qui ont forgé son existence. À cent ans, il offre ici non seulement un récit de sa propre trajectoire, mais aussi une réflexion philosophique sur l’engagement, la fidélité et le devoir de mémoire.
Hubert Germain, légionnaire au sein de la mythique 13e DBLE (demi-brigade de Légion étrangère), incarne le soldat dévoué, marqué par les grandes batailles dont celle de Bir Hakeim durant la guerre du désert du 27 mai au 11 juin 1942, d’El Alamein et la campagne de libération de la France. Mais le livre va bien au-delà des faits d’armes, car c’est aussi un hommage aux Compagnons de la Libération, une fraternité forgée dans les épreuves et nourrie par des valeurs communes de sacrifice et de solidarité. Hubert Germain évoque ces compagnons disparus comme des flammes destinées à s’éteindre mais dont les braises doivent continuer de réchauffer les générations à venir. « Quand le dernier d’entre nous sera mort, la flamme s’éteindra », confie-t-il, « mais il restera toujours des braises. » C’est cette chaleur qu’il souhaite transmettre à travers ce livre, à une époque où la France, selon lui, a plus que jamais besoin de « braises ardentes ».
L’un des passages les plus intimes de l’ouvrage est sans conteste l’évocation de son entrée en Franc-Maçonnerie. Initié à la Grande Loge de France en 1975, Hubert Germain choisit cette voie non pas pour accéder à des réseaux d'influence, mais en quête d’une vérité intérieure, d’un espace de réflexion et de fraternité qui dépasse les ambitions de carrière. En rejoignant la Franc-Maçonnerie en fin de vie politique, il se démarque de ses contemporains en refusant de l'instrumentaliser. C’est un acte de recherche personnelle, un refuge spirituel où il peut méditer librement sur la condition humaine, la transcendance et le sens de son propre parcours. Loin des sphères du pouvoir, cet engagement tardif illustre une quête de valeurs profondes, fidèles aux idéaux de loyauté et d’authenticité qui ont guidé toute sa vie.
Le récit de Germain est également teinté d’une humble introspection. Il questionne sans relâche le sens de son parcours et refuse toute glorification de ses actes, percevant son engagement comme une réponse naturelle à un appel moral. Cette modestie confère au récit une sincérité qui éloigne le texte de toute héroïsation excessive. À travers ses anecdotes et réflexions, il nous invite à voir la grandeur dans la simplicité et la dignité dans la discrétion, nous livrant une leçon de vie empreinte de respect pour ses compagnons, pour la France et pour les valeurs qui les unissaient.
Mais Hubert Germain ne se limite pas à l’évocation de son passé glorieux. Il se fait aussi le témoin de l'évolution politique et sociale de la France, du fracas de l’Histoire aux défis contemporains. Le parcours de Germain se tisse de luttes personnelles et collectives, mais aussi d’une vision politique lucide et nuancée. S’il a été maire, député puis ministre sous Georges Pompidou, il n’hésite pas à aborder les tensions entre ses idéaux et les réalités du pouvoir, les dilemmes entre fidélité à soi-même et allégeance aux institutions. Sa relation avec le général de Gaulle, empreinte de respect et de loyauté, se révèle aussi complexe, marquée par des moments de friction, notamment lorsqu’il fut envoyé comme émissaire auprès des putschistes d’Alger. Ce lien, presque filial, avec celui qu’il considère comme son « second père » constitue un fil rouge dans son existence, teinté d’une admiration inébranlable.
L’ouvrage est magnifiquement introduit par une préface de Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, qui salue l’importance de ce témoignage unique. Burkhard souligne le rôle capital des Compagnons de la Libération, ces figures de mémoire et de résistance, et la transmission de leurs valeurs aux nouvelles générations. Ce soutien officiel apporte une dimension supplémentaire au livre, qui transcende le simple récit pour devenir un outil de mémoire collective, un héritage de bravoure et de devoir pour ceux qui poursuivent aujourd’hui l’engagement militaire et civique.
Le style de l’auteur, riche en détails et en anecdotes précises, tisse une fresque qui relie le lecteur aux tumultes du siècle passé, tout en posant des questions universelles sur l’honneur, le devoir et la quête de la vérité. Par son langage direct, souvent empreint d’une poésie discrète, Germain parvient à transmettre non seulement une tranche de vie, mais également un héritage moral. Cette qualité littéraire et mémorielle a d’ailleurs été récompensée par le Prix littéraire de l’Armée de Terre Erwan Bergot 2020, une distinction qui reconnaît non seulement la valeur littéraire de l’ouvrage, mais aussi son importance pour la transmission des valeurs militaires et républicaines.
Ce récit est enfin traversé par un fil conducteur : l’espoir. Espérer pour la France, c’est espérer pour ses valeurs et pour ses générations futures. Ce livre se veut une flamme vivante, un acte de foi en une France qui saurait retrouver son âme dans le souvenir de ceux qui l’ont servie avec passion et désintéressement. Hubert Germain, en nous léguant ces mémoires, nous invite à prendre soin de ces braises pour que, malgré l’extinction des flammes de la génération des Compagnons, l’esprit de résistance et de liberté continue de vibrer dans le cœur de ceux qui les lisent.