L'intendant des bâtiments
Ancien et Accepté
20 juin, 2025 par
Mise à jour sites

l'intendant des bâtimentsJean-Pierre Casimir
Éditions Cépaduès, coll. de Midi, 2024, 92 pages, 19 €

L’ouvrage se distingue par sa volonté de redonner ses lettres de noblesse à un degré souvent négligé du Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) : celui d’Intendant des Bâtiments. Ce 8e degré, parfois qualifié d’« Écossais des trois J J J » ou encore de « Maître en Israël », incarne, à travers une structure rituelle précise, une étape charnière entre l’initiation et la maîtrise spirituelle. Dans un style érudit mais accessible, Casimir s’attache à explorer non seulement l’histoire et le symbolisme de ce degré, mais également son rôle dans la progression initiatique et la construction maçonnique dans son ensemble.

Le manuscrit Francken : une source fondatrice du REAA

Jean-Pierre Casimir s’appuie sur le manuscrit d’Henry Andrew Francken, texte fondateur du REAA, pour interroger la place du degré dans l’économie des grades de perfection. Ce manuscrit, rédigé en 1783 et reproduit, en anglais, en annexe 1, constitue une référence historique essentielle, notamment pour ses rituels de la Chambre du Milieu et de la chambre secrète. Casimir utilise cette source comme une boussole pour clarifier les critiques formulées à l’encontre de ce degré, souvent considéré comme une simple transition narrative entre les grands épisodes du cycle salomonien. Or, l’auteur démontre que, loin d’être secondaire, l’Intendant des Bâtiments se révèle être un véritable pivot symbolique et spirituel.

Joabert et la dramaturgie du degré

Le récit de ce degré se déploie autour d’une dramaturgie saisissante : après la mort tragique d’Hiram, le chantier du Temple est plongé dans le chaos. La légende met en lumière des valeurs de résilience et de justice, portées par le personnage de Joabert – personnage central des degrés de Perfection du 4e au 9e –, fidèle serviteur de Salomon.

La chambre secrète : lieu de révélation spirituelle

Dans ce contexte, la chambre secrète joue un rôle central en tant qu’espace de révélation sacrée. Casimir explore avec finesse la symbolique de cet espace, tout en établissant des liens riches entre la légende maçonnique et les textes bibliques. La figure de Joabert y est présentée non comme un simple acteur du drame hiramique, mais comme une incarnation de l’intendant éclairé, chargé de maintenir l’équilibre entre le spirituel et le temporel – postulant d’ailleurs au grade de Chevalier de Royal-Arche.

Le symbolisme du degré : justice, équilibre et verticalité

L'un des aspects les plus captivants du travail de Casimir est son analyse des symboles et des vertus, notamment celui, moins connu, de la balance, introduite à ce degré comme emblème de justice et de mesure. Ce travail, par son approche approfondie et novatrice, peut être considéré comme un nouveau tuileur. La balance est considérée par l’auteur comme symbole de la verticalité spirituelle, opposée à l’horizontalité des tâches opératives.

L’équilibre initiatique : entre action opérative et élévation spirituelle

Cette opposition, loin d’être une contradiction, traduit selon lui l’essence même de l’Intendant des Bâtiments : l’équilibre entre la quête intérieure de l’initié et son rôle concret dans la société. Cette double dynamique est incarnée par des symboles complémentaires tels que le chandelier à sept branches, la mer d’airain, ou encore le bijou du degré.

Le parcours initiatique et les vertus du 8e degré

À travers ses réflexions, l’auteur invite chaque maçon à revisiter le rôle des degrés de Perfection comme étapes d’un parcours de construction personnelle. L’Intendant des Bâtiments y apparaît comme un miroir tendu à l’initié, l’incitant à concilier ses devoirs opératifs et ses aspirations spirituelles. Cette quête d’équilibre se reflète dans les vertus morales exaltées par ce degré : la vigilance, la probité et la dévotion au travail bien fait.

Dépasser les critiques : une relecture ésotérique du degré

Casimir n’élude pas les critiques qui ont longtemps accompagné ce degré. Certains le perçoivent comme un simple résumé des degrés antérieurs, dépourvu de contenu véritablement novateur. Cependant, l’auteur démonte cette perception avec brio, en retraçant l’évolution historique du degré et en soulignant les éléments qui le distinguent des autres grades de perfection. En particulier, il insiste sur la richesse ésotérique des mots, signes et attouchements propres à ce degré, lesquels, loin d’être anecdotiques, traduisent une élévation spirituelle subtile mais profonde.

Conclusion : une pierre angulaire de l’édifice initiatique

Jean-Pierre Casimir, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire et le symbolisme maçonniques, réussit à réhabiliter le 8e degré du REAA en le plaçant au cœur de l’édifice initiatique. Son essai, rigoureux, nous rappelle que chaque degré, aussi modeste soit-il en apparence, recèle des trésors insoupçonnés pour l’initié patient et attentif. L’Intendant des Bâtiments y apparaît comme un « point d’équilibre », une charnière entre l’opératif et le spéculatif, entre le visible et l’invisible.

Mise à jour sites 20 juin, 2025
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