Axel Karol , Les Éditions de la Tarente, Coll. Fragments maçonniques, 2024, 240 pages, 30 €
Le Rite Féminin de Memphis-Misraïm, dans cette édition soignée proposée par Axel Karol, maçon affilié à L’Alliance, vient offrir une nouvelle perspective sur la franc-maçonnerie égyptienne au travers d’un prisme féminin inédit. L'œuvre met en lumière un ensemble de rituels qui se distinguent par leur profondeur symbolique et leur pertinence dans une quête initiatique singulièrement adaptée aux femmes. Le caractère distinct de ce rite égyptien féminin, autrefois quelque peu effacé dans le panorama maçonnique, devient ici un joyau révélant un équilibre initiatique entre les genres.
Le livre s’ancre dans une démarche à la fois historique et spirituelle, où la différence de genre est sublimée à travers des rites créés spécifiquement pour les femmes. Constant Chevillon (1180-1944) franc-maçon et grand maître du Rite de Memphis-Misraïm, ayant dirigé également plusieurs sociétés occultistes, et Raoul Fructus, Grand Hiérophante 98e de la branche mixte de l’Ordre belge, figures historiques incontournables dans la franc-maçonnerie égyptienne, ont eu la prévoyance de créer ces rituels en 1938, des rituels qui, loin de se contenter d’une simple adaptation des pratiques masculines, revendiquent une authenticité et une profondeur propres à la féminité sacrée. Cette distinction claire, Karol la détaille minutieusement dans une étude érudite, témoignant de sa capacité à revisiter les traditions avec un regard novateur.
Le travail de Karol prend ainsi une dimension d’analyse herméneutique où il n’est pas simplement question de retranscrire les rituels, mais bien d’en extraire la quintessence symbolique. Le lecteur est invité à se plonger dans une réflexion plus large sur la place du sacré féminin au sein de la franc-maçonnerie, souvent perçue comme une institution traditionnellement masculine. L’auteur explore ainsi des thèmes tels que l’égalité initiatique entre les hommes et les femmes, en soulignant que cette égalité ne se manifeste pas par une simple féminisation des titres, mais bien par une construction rituelle qui s’adapte à l’identité féminine.
Le choix de publier ces rituels de 1938 aujourd’hui, en 2024, trouve toute sa pertinence dans le contexte actuel de recherche d’équité et de reconnaissance du rôle des femmes dans des sphères longtemps dominées par les hommes. Karol, avec une rigueur intellectuelle et une sensibilité propre à l’univers maçonnique, démontre que la franc-maçonnerie égyptienne féminine n’est pas une simple copie du modèle masculin. Elle ouvre un espace de réflexion et de transformation où les femmes peuvent s’épanouir dans leur propre parcours initiatique, guidées par des symboles et des rituels qui leur sont dédiés.
L’ouvrage se distingue également par une exégèse approfondie de ces rituels, offrant une clé de lecture précieuse à toutes celles et ceux qui cherchent à comprendre les fondements spirituels et symboliques du Rite de Memphis-Misraïm. Karol décortique avec précision chaque élément rituel, du pavé mosaïque à la marche symbolique, en passant par des objets rituels spécifiques tels que le Thyrse – sorte de sceptre remplaçant l’épée flamboyante de la vénérable maîtresse – et le diadème du 89e degré. Chaque symbole est traité avec la profondeur qu’il mérite, renvoyant à des concepts ésotériques et mystiques issus de la tradition hermétique.
L’introduction de ces rites féminins, loin de marquer une rupture avec la tradition, s’inscrit dans une continuité spirituelle qui puise ses sources dans l’hermétisme et l’Égypte antique, tout en tenant compte des besoins spécifiques d’un parcours initiatique féminin. Il s’agit d’une véritable célébration du sacré féminin, où les symboles maçonniques traditionnels prennent une nouvelle dimension, plus intime, plus proche de l’essence même du féminin sacré.
L’analyse de Karol va au-delà de la simple description des rituels d’Apprentie, Compagnonne et Maître. Il propose une véritable réflexion philosophique sur la manière dont ces rites peuvent transformer celles qui les pratiquent, et comment ils s’inscrivent dans une quête de sens plus vaste, dépassant les questions de genre pour rejoindre une vision universelle de l’initiation. L’auteur souligne également la portée sociale et spirituelle de ces rites, qui permettent une réconciliation entre le masculin et le féminin au sein de la franc-maçonnerie, et qui, par conséquent, offrent une voie vers une maçonnerie plus inclusive.
En conclusion, Le Rite Féminin de Memphis-Misraïm est bien plus qu’une simple étude rituelle. C’est une plongée dans l’essence même de la franc-maçonnerie égyptienne, une invitation à réfléchir sur la place des femmes dans les parcours initiatiques et une célébration du féminin sacré. Les sœurs qui s’engageront dans cette voie trouveront dans ces pages non seulement une source d’inspiration, mais également un guide précieux pour leur propre cheminement spirituel. Karol, fidèle à son habitude, propose une analyse éclairante et érudite, rendant cet ouvrage incontournable pour toute personne intéressée par l’ésotérisme, la franc-maçonnerie et la quête de sens.