Maltraitances en Loge – Réflexion pour une Franc-Maçonnerie bienveillante
Marc Amani
3 juillet, 2025 par
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maltraitantes en logeLe compas dans l’œil, 2025, 220 pages, 20 €

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Sous la plume de Marc Amani, Maltraitances en Loge – Réflexion pour une Franc-Maçonnerie bienveillante ne se donne pas pour but de dénoncer, mais d’initier. Il ne s’agit pas de pointer du doigt, mais de tendre le miroir, de ces miroirs obscurs qui parfois révèlent plus qu’ils ne reflètent. À travers ce livre, nous ne sommes pas simplement conviés à une enquête – nous sommes appelés à une introspection collective, douloureuse, salvatrice, nécessaire. Il ne clôt pas, il ouvre. Il ne veut pas expliquer, il veut dévoiler.

Une épreuve initiatique, non un pamphlet

Ce texte n’est ni un réquisitoire ni un pamphlet. Il est un rite de passage. Dans le silence des colonnes, sous les voûtes du Temple, résonne parfois une dissonance glaçante : celle de la violence insidieuse, du mot blessant, du pouvoir dévoyé, de l’égo triomphant sous les oripeaux de l’humilité. Ce que Marc Amani déplie ici, c’est une topographie du non-dit, une cartographie du refoulé maçonnique. Cinquante voix anonymes, déposées avec pudeur, constituent la trame vibrante de cet ouvrage. Non pas pour scandaliser, mais pour transmuter. Car la parole, une fois libérée, devient matière première d’une reconstruction possible – celle de soi, celle de l’Ordre.

L’épreuve maçonnique : voir l’ombre pour révéler la lumière

S’il fallait résumer ce livre d’un seul mot, ce serait sans doute “épreuve” – au sens initiatique du terme. L’épreuve d’oser voir ce qui dérange. L’épreuve d’admettre que la Fraternité, loin d’être une acquisition, demeure un travail, une conquête, un appel constant à la vigilance. L’épreuve surtout de maintenir la lumière allumée au sein même de la Loge, là où l’obscurité peut parfois se tapir derrière l’apparence du sacré. Le Temple devient ici le théâtre de nos contradictions, le creuset de nos vertus inabouties, le laboratoire d’une alchimie encore inachevée.

La Loge : un révélateur de vérité et d’altérité

Marc Amani, par son regard de Frère lucide et habité, n’épargne ni l’Apprenti ni le Maître. Il rappelle, dans une langue claire mais pénétrante, que l’engagement maçonnique ne saurait être qu’une façade rituelle, et que le serment n’a de valeur que s’il est vécu dans l’altérité, dans la sincérité, dans l’attention à l’autre. La Loge, pour lui, n’est pas un abri contre le monde, mais un révélateur du monde tel qu’il nous traverse. La verticalité symbolique ne suffit pas si l’horizontale humaine est défaillante. Les rituels ne tiennent que si le lien est tissé, vigilant, respectueux.

Une alchimie fraternelle pour une maçonnerie plus juste

Cette exigence morale, cette espérance fraternelle sont puissamment posées dès la préface signée par Yonnel Ghernaouti, chroniqueur littéraire et directeur de collection au sein des éditions Le compas dans l’œil. Il y inscrit ce texte dans une démarche alchimique : décaper le vil plomb des comportements déviants pour retrouver l’éclat de l’idéal initiatique. En accueillant l’ouvrage comme une pierre taillée en faveur d’une Maçonnerie plus exigeante, plus juste, plus vraie, il invite à une lecture sans complaisance mais non sans amour, avec cette humilité du cœur qui distingue l’initié du moraliste.

La dynamique des Ateliers sous l’œil de la conscience fraternelle

C’est dans les chapitres consacrés aux dynamiques de groupe, à la structure affective des ateliers, aux processus d’exclusion ou de domination, que l’auteur atteint une profondeur saisissante. Il convoque ici non seulement la tradition symbolique, mais aussi la psychologie sociale, la pensée systémique, et surtout une conscience fraternelle qui transcende les disciplines.

Rituels, hiérarchie et pathologies de l’ego

Il analyse avec finesse la complexité des jeux de rôle, les dérives de la hiérarchie symbolique, les mécanismes du bouc émissaire, les pathologies de l’ego. Chaque page devient alors un travail sur soi, un appel à la lucidité, une mise à nu fraternelle. Nous ne sortons pas indemnes de cette lecture : nous y sommes mis à l’ordre.

Transformer la Loge : un chantier spirituel

Au-delà des récits de souffrance – qui jamais ne cèdent au voyeurisme – c’est la question de la transformation qui est posée. Comment faire que la Loge redevienne ce qu’elle promet d’être : un chantier de construction intérieure, un espace de réparation, un lieu de justice fraternelle ? L’auteur avance avec délicatesse, propose, suggère, envisage, mais ne dicte rien. Il ouvre les voies sans imposer les pas. Il fait confiance à la conscience du lecteur – ce cœur battant de toute démarche initiatique.

Une responsabilité initiatique au sein du Temple

L’ultime grandeur de cet ouvrage tient sans doute à ceci : il nous rend à notre responsabilité. Non pas une responsabilité théorique, mais une charge d’âme. Celle qui incombe à tout Frère, à toute Sœur, de ne jamais détourner les yeux, même au sein du Temple. Car c’est dans le Temple, justement, que la lumière doit triompher – et non dans les discours seulement, mais dans les actes.

L’auteur : Marc Amani, une voix singulière et engagée

Marc Amani, à qui l’on doit plusieurs interventions courageuses dans des revues maçonniques confidentielles, signe ici son premier ouvrage publié. Frère engagé de longue date dans le paysage maçonnique français, il a exercé des responsabilités dans plusieurs ateliers du Rite Écossais Ancien et Accepté. Humaniste discret, psychologue de formation, il conjugue une sensibilité fine à une connaissance profonde des structures maçonniques. Il est l’un des rares à aborder de manière frontale les zones d’ombre de l’expérience initiatique, sans renier ni salir, mais au contraire pour mieux purifier.

Une postface tournée vers l’éveil fraternel

Dans sa postface, Yonnel Ghernaouti prolonge l’élan du livre en inscrivant cette œuvre dans une pédagogie de la vigilance et du courage. Il y rappelle que la Loge n’est jamais à l’abri de ses propres failles et qu’elle ne saurait prétendre à la vérité si elle refuse d’en affronter les ombres. Il ne s’agit pas de briser le silence pour faire du bruit, mais pour restaurer la musique fraternelle. Cette parole portée, transmise, offerte, devient alors ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un ferment de justice.

Une lampe à l’entrée du Temple

Ce livre n’est pas un signal d’alarme. Il est une lampe posée à l’entrée du Temple, invitant chacun de nous à regarder autrement le chemin, et peut-être, à réapprendre à y marcher ensemble.

Mise à jour sites 3 juillet, 2025
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