Cépaduès, coll. de Midi, 2025, 168 pages, 24 €
L’ouvrage de Michel König, « Lumières » et Nation – L’A.D.N. de la Franc-maçonnerie, se révèle comme un sanctuaire de symboles entrelacés, une invocation murmurée aux racines profondes de la tradition maçonnique.
Parcours de Michel König
Michel König, né sous les auspices lyonnais en 1943, émerge d’un parcours où les études en sciences économiques et politiques à Lyon et Paris forgent non seulement un intellect aiguisé mais une âme ouverte aux mystères de l’ordre et du cosmos, couronné par le titre de chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
Entré au Grand Orient de France en 1971, il y demeure fidèle, participant à la renaissance du Grand Chapitre Général et atteignant le cinquième ordre, un chemin qui le conduit à diriger la Caisse d’Épargne de Saint-Étienne avant que des tourments institutionnels, narrés dans son premier écrit L’Ogre et l’Écureuil paru en 1995, ne le propulsent vers une réflexion plus intérieure.
Œuvres majeures et évolution
Suivent L’Apothéose des Termites en 1997, un essai politique vibrant de pertinence éternelle, puis, à l’aube de sa retraite, Le 3ᵉ Temple en deux tomes, L’étoile de Massada et La prophète, publiés en 2012 et 2014, où se mêlent uchronie, conte philosophique et roman historique, autant de voiles levés sur les énigmes de l’humanité.
En 2016, son essai sur le Grand Architecte de l’Univers explore les abîmes du divin maçonnique, tandis que 1717, l’initiation de la Franc-Maçonnerie en 2017 rétablit les vérités occultées de l’origine obédientielle, incluant la pièce théâtrale Jakin, écho dramatique du tricentenaire.
D’une Révolution à l’autre, en 2020, prolonge cette quête en exhumant les articles journalistiques du XVIIIᵉ siècle pour illuminer le rôle des Modernes dans la diffusion des Lumières à travers l’Europe, opposant la monarchie parlementaire aux ombres jacobites.
Ainsi, Michel König incarne l’initié érudit dont l’œuvre entière pulse au rythme de la Renaissance spirituelle, reliant science et religion dans un combat pour l’autonomie de la raison, flambeau des Lumières que la Royal Society a porté avec ardeur.
L’émergence de la Franc-maçonnerie obédientielle
Nous plongeons alors dans les eaux primordiales de cet ouvrage, trente-septième volume de la collection de Midi chez Cépaduès, où Michel König tisse une conclusion magistrale à ses recherches sur l’émergence de la Franc-maçonnerie obédientielle en Grande-Bretagne, un voile levé sur les arcanes où la première Grande Loge, fondée en 1717 par Jean-Théophile Desaguliers sous l’égide d’Isaac Newton, baptisée Grande Loge de Londres et de Westminster, évolue en Grande Loge d’Angleterre en 1730, avant d’être marquée du sceau des Modernes par opposition aux Anciens de 1751.
Cette lignée des Modernes irradie jusqu’en France, influençant la Grande Loge du Royaume de France en 1738 et la naissance du Grand Orient de France en 1773, obédience ancestrale à laquelle Michel König appartient corps et âme.
L’essence de cette réflexion, à la fois philosophique et historique, nous convie à contempler le lien intime entre la Franc-maçonnerie et le grand courant des Lumières, ce mouvement qui définit notre ère par son appel à la raison libérée des chaînes dogmatiques.
Une préface lumineuse de Philippe Guglielmi
Philippe Guglielmi, dans une préface à la fois sobre et lumineuse, rappelle que le mot de « religion », dans ce contexte, ne peut être compris que dans l’esprit spinoziste et voltairien d’une religion naturelle, accessible à chacun sans médiation cléricale, par le langage direct de la raison et de la géométrie.
Il montre que le mythe d’Hiram, loin d’être une légende fermée sur elle-même, est une allégorie de l’effacement des dogmes imposés au profit de la quête de la Parole universelle.
Dans ce geste symbolique, c’est l’affirmation du primat de la raison et la promesse d’une fraternité universelle qui s’élèvent, inscrivant dans le temple toujours inachevé de Salomon le destin de la Maçonnerie.
La trilogie de Michel König : Apprenti, Compagnon, Maître
C’est dans ce sillage que s’inscrit la trilogie de Michel König.
Le temps de l’apprenti
1717, l’initiation de la Franc-Maçonnerie explore le temps de l’apprenti, où la lumière de la raison commence à s’imposer sur les ténèbres dogmatiques.
Le chemin du compagnon
D’une Révolution à l’autre incarne le chemin du compagnon, reliant l’Angleterre aux rives françaises, en portant le flambeau des Lumières et en préparant la transformation politique et spirituelle.
Le degré du maître
Lumières et Nation s’élève au degré du maître, révélant l’accomplissement de ce cycle : les rituels du Rite Français Moderne, rédigés entre 1782 et 1786, anticipent la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et inscrivent au cœur de la symbolique maçonnique le concept de Nation, non comme une idéologie, mais comme une allégorie vivante de la fraternité humaine.
Les trois révolutions : pensée, savoir et droit
Ainsi, les révolutions de la pensée, du savoir et du droit trouvent leur correspondance dans l’édifice initiatique.
Révolution de la pensée
La révolution de la pensée libère la raison des entraves théologiques pour embrasser la religion naturelle, miroir de la religiosité cosmique évoquée par Einstein.
Révolution du savoir
La révolution du savoir fonde la science expérimentale sur le rejet des autorités imposées, substituant à la superstition l’exigence du doute et de l’expérience.
Révolution du droit
La révolution du droit érige la Nation en principe de souveraineté, inscrivant dans la Déclaration de 1789 la dignité inaliénable de la personne humaine.
Chacune de ces révolutions est un degré de l’initiation universelle, et leur confluence fonde l’ADN de la Franc-maçonnerie moderne.
Les Ordres de Sagesse : une allégorie de la Nation
Les Ordres de Sagesse deviennent alors une allégorie de la Nation elle-même, une société idéale en réduction, où chaque grade conduit à une conscience plus élevée de l’unité et de la souveraineté du peuple.
Michel König montre que la Franc-maçonnerie n’est pas seulement un héritage du passé, mais un modèle de société éclairée, un chantier perpétuel où se rejoue l’équilibre fragile entre liberté et fraternité, entre raison et spiritualité.
La puissance initiatique de l’ouvrage
Dans cette immersion, nous ressentons la puissance initiatique de l’ouvrage. Les rituels cessent d’être de simples cérémonies pour devenir des invocations vivantes, des passages alchimiques où se transmutent les ténèbres en lumière, la servitude en liberté, l’individuel en universel.
L’œuvre de Michel König nous rappelle que la Franc-maçonnerie est le creuset où les Lumières forgent la Nation comme un temple intérieur, un sanctuaire où la pensée, l’histoire et l’ésotérisme se tiennent enlacés.
Une exhortation pour aujourd’hui
Ce livre n’est pas un compte rendu du passé. Il est une exhortation adressée à nous, initiés d’aujourd’hui, pour raviver la flamme de 1789 et la porter au-delà des vicissitudes du temps.
Il nous enseigne que l’ADN maçonnique est fait de lumière et de fraternité, et que la Nation véritable ne se confond pas avec les dérives autoritaires mais avec l’idéal universel de la liberté et du droit.
En refermant ces pages, nous sortons comme d’un temple invisible, imprégnés de la certitude que l’histoire et l’initiation ne sont qu’un seul et même chemin vers la vérité, et que la Franc-maçonnerie, fidèle à son héritage des Lumières, demeure la gardienne de ce flambeau.